L’asinerie du Pays des Collines

Tout près de Tournai en Belgique, cette asinerie aux vrais airs de ferme enchantée, permet au public de découvrir la beauté des ânes et les bienfaits des produits issus du lait d’ânesse.
Marie Tack aime les ânes depuis son enfance, et a rêvé durant de nombreuses années d’en posséder un. Cette attirance spontanée s’est prolongée à l’âge adulte, et c’est donc avec un bonheur particulier que, dès qu’elle a pu, elle s’est entourée de ces animaux pas bêtes du tout, malgré la réputation qui continue de les poursuivre et de les desservir injustement.

“Les ânes sont méconnus et c’est ce désir de les réhabiliter qui m’a toujours animée. Dans nos régions, ils ont peu à peu disparu du paysage rural, et du coup, on a véhiculé des images qui ne correspondent pas du tout à leur caractère. Les ânes sont des animaux sensibles et généreux, et souvent très intelligents. La meilleure preuve de ces idées préconçues est certainement le fait que le bonnet d’âne, pour la plupart des gens, affuble la tête des cancres d’un animal aussi idiot que celui qui le porte. Or, c’est le contraire : on disait autrefois que les cancres devaient porter un bonnet d’âne, avec l’espoir de les rendre un peu plus intelligents !”, explique-t-elle.

Deux ânes ou rien
Si les ânes font aujourd’hui partie du quotidien de Marie, de son mari Olivier, et de ses deux enfants, Corentin et Louise, jusqu’à devenir leur métier, cette conversion s’est faite petit à petit. “Nous avons vécu deux ans en ville avec mon mari Olivier, qui est géomètre et expert en immobilier. Dès que nous nous sommes installés à la campagne, nous avons acheté une ânesse. Comme elle était seule, cela a vite posé un problème : c’est le cas de beaucoup de personnes qui adoptent ces animaux. Ils sont grégaires, comme les chevaux, mais ont davantage besoin de compagnie. Si vous prenez un âne… il faut en fait en prendre deux ! Les ânes ne sont pas des solitaires, et s’ils s’ennuient trop, ils ont tendance à être très démonstratifs lorsqu’ils vous voient arrivés. Du coup, ils vous sautent dessus, ils vous poursuivent, et pour jouer, tentent de vous mordre… des réactions souvent assimilées à de l’agressivité, et qui ne sont que des expressions maladroites de leur ennui. Ce sont de grands animaux, alors il faut faire attention à cet aspect des choses. Nous voyons beaucoup de particuliers faire cette expérience. S’ils le peuvent, ils prennent donc un compagnon pour leur premier âne, et sont très étonnés de le voir se transformer et redevenir l’animal gentil et doux qu’il n’aurait jamais dû cesser d’être !”

Le début d’un élevage
Ayant acquis un étalon pour tenir compagnie à leur ânesse, Marie et Olivier se retrouvent vite… avec trois ânes ! Marie, qui possède une formation d’architecte de jardins, décide de travailler également comme éducatrice dans une association, “la Ferme pour enfants” de Jette. Là, elle peut donner libre cours à son amour des ânes et commence un élevage dans le cadre de cette association. Cela va durer sept ans, jusqu’à ce que le couple déménage à Grammont, rachète avant de partir le dernier ânon né au sein de la ferme. Ils adoptent dans la foulée une ânesse, dans le seul but de vivre à côté des animaux, sans avoir réellement de projets avec eux.
Mais assez rapidement, ils se retrouvent avec sept bêtes, déménagent à Frasnes-les-Buissenal où ils sont encore, et agrandissant leur cheptel au hasard des rencontres et de leurs coups de cœur, notamment pour la race andalouse qui vient d’Espagne et est menacée d’extinction. Marie se rend alors compte qu’elle désire développer une activité autour de ces drôles d’individus. N’ayant pas envie de louer ses animaux pour que les enfants se baladent ou pour des travaux de peine comme on le lui demande parfois, elle pense à produire du lait d’ânesse.

Les débuts de leur société…
Elle décide donc de se lancer dans cette production, dans le but de réaliser des savons et de les commercialiser. “Les produits de soin à base de lait d’ânesse sont très anciens, et avaient pratiquement disparu. Nous étions en 1998 et personne alors ne faisait ce genre de produits. Je me suis renseignée, j’ai cherché des personnes avec lesquelles réaliser mon projet, et ils n’étaient pas nombreux ! Les Savonneries Bruxelloises, qui créent des savons à l’ancienne et sont d’un dynamisme hors du commun, ont répondu favorablement à mes envies. Nous avons fait des tests et découvert de nombreux problèmes quant à l’exécution d’une recette idéale. Aujourd’hui, nos savons contiennent 27% de lait d’ânesse, et nous avons réussi à équilibrer l’aspect nourrissant, nettoyant, avec les propriétés de ce lait très riche et extrêmement adapté aux peaux délicates, sensibles, ou même atopiques ou atteintes de psoriasis.”
… Et l’amorce du succès
Forts de la réalisation de ces premiers savons, ils participent en septembre 1999 pendant deux jours à la fête de l’âne dans la commune de Schaerbeek… et écoulent tout leur stock durant cette courte période. “Nous nous sommes rendu compte que la présence des ânes rassurait, et que les personnes étaient très curieuses de ces produits. Très vite, nous avons développé la gamme avec des savons liquides, du lait corporel, des crèmes de soin. Nos clients sont dans toute l’Europe, avec une forte proportion en France, car les Français connaissent les vertus de ce lait.”

Adoptions contrôlées
Comme les ânesses ne produisent du lait que lorsqu’elles sont “suitées”, c’est-à-dire accompagnées d’un petit, l’élevage s’est agrandi, et Marie a dû commencer à se séparer de quelques-uns de ses ânes en les vendant à des particuliers. “Nous avons des baudets du Poitou, des ânes catalans, des andalous, des petits roux, des grands gris des collines, des provençaux. Aujourd’hui, nous en comptons 150, mais comme il y a des naissances chaque année, il faut gérer la ferme et rester à taille humaine. Nous connaissons le prénom de chacun de nos ânes, et je veux que cela reste comme cela. Nous faisons très attention aux personnes auxquelles nous vendons nos ânes. Un âne vit entrer 25 à 40 ans selon les races, il a besoin de compagnie, d’affection et d’un grand terrain : cela ne peut donc être un achat irréfléchi, c’est une adoption et un engagement sur le long terme. Nous vendons des ânes adultes, ou des plus jeunes, à partir d’un an. Ce qui est idéal avec un âne, c’est qu’il se calme avec l’âge : dès quatre ans, vous pouvez le monter sans le débourrer, s’il a confiance en vous. La réputation selon laquelle ce sont des animaux têtus est une véritable hérésie : les ânes ont une vraie intelligence, et si vous leur montrez les choses calmement, leur courage et leur volonté vous étonneront.” Marie a donc réussi son rêve de travailler autour des ânes. Son mari Olivier et son fils Corentin l’ont rejointe dans cette aventure.

Découverte de l’asinerie du Pays des Collines

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