Habitat
La gestion des pâtures fait référence à la planification, à l’entretien et à l’utilisation efficace des terres herbeuses (pâtures) pour le pâturage des animaux, généralement des animaux d’élevage tels que les équidés, les bovins, les ovins, les chèvres, etc. Une gestion appropriée des pâtures peut contribuer à une utilisation durable des ressources naturelles, à une productivité animale optimale et à la préservation de l’environnement.
La gestion des pâtures consiste à maintenir un équilibre entre l’utilisation des terres et la préservation de leur santé à long terme. Cela nécessite une compréhension approfondie des écosystèmes locaux, des besoins des animaux et des pratiques agricoles durables.
Les refus sont une des principales causes d’appauvrissement des parcelles des ânes et des chevaux. Pourtant, loin d’être inévitables, ils peuvent être maîtrisés par une bonne conduite de pâturage. Le plus souvent, l’application de quelques règles simples suffit pour garder ses parcelles propres.
Entre les zones d’herbe haute et celles d’herbe rase, les prairies de nos ânes et de nos chevaux ressemblent souvent à d’étranges mosaïques. Notre équidé ne consomme en effet pas l’herbe de manière homogène. Face à une alimentation à volonté, il trie et abandonne certaines zones des parcelles pour concentrer son coup de dents sur d’autres, plus appétentes, où il trouve une herbe rase avec des jeunes feuilles, souples et riches en matière azotée. Dans ces zones, plus l’herbe est pâturée, plus la végétation est jeune et appétente… et donc consommée ! Face à cette pression de pâturage, la concentration de graminées, trop lentes à se développer, va diminuer alors que les plantes à rosettes (pissenlit, plantain majeur, pâquerette) et le trèfle blanc vont profiter de l’arrivée de lumière au sol pour gagner du terrain. Le sol, piétiné, va se tasser ce qui freinera le développement de la végétation. Dans les zones que l’âne et le cheval délaissent, l’herbe se développe en touffes hautes et dures qu’il évitera ensuite de pâturer, mais où il déposera la majorité de ses fèces : ce sont les refus. Ils sont constitués essentiellement de plantes recherchant des milieux riches en matière organique comme la houque laineuse, les renoncules…
L’installation des refus est néfaste pour la parcelle, car responsables de la dégradation de la flore, ils induisent une diminution importante de sa valeur alimentaire. Cependant, même s’ils sont une conséquence quasi inévitable du pâturage des ânes et chevaux, les refus sont loin d’être une fatalité et l’application de quelques règles de base peut parfois suffire à contrôler leur développement. Au pire, même s’ils sont déjà bien installés, certaines techniques d’entretien des pâtures permettent de s’en débarrasser.
Comment réduire le développement des refus au quotidien
Si les équidés sont les premiers responsables du développement des refus, la conduite de pâturage de l’éleveur doit aussi parfois être remise en cause et souvent, l’application de quelques règles simples suffit pour éviter le pire.
Avoir un chargement adapté
Selon la valorisation de l’herbe voulue, plusieurs modes de pâturage sont possibles, l’essentiel étant d’adapter le nombre d’équidés (chargement) aux surfaces disponibles. Quand l’herbe est la principale ressource alimentaire, le pâturage “tournant” présente de nombreux avantages : la rotation des animaux sur de petites parcelles permet alors une meilleure maîtrise de l’herbe. D’une part, la mise à l’herbe peut être assez précoce, ce qui favorise un meilleur contrôle de la forte pousse de printemps. De plus, la taille des parcelles permet une consommation rapide et plus complète, ce qui représente un avantage conséquent pour contrôler les refus.
Au premier plan, une zone de refus, qu’une bonne gestion de la prairie doit permettre de circonscrire. Afin d’éviter le gaspillage (et donc le développement des refus), il faut essayer de proposer les parcelles aux animaux quand l’herbe est haute de 10 à 15 cm, hauteur à laquelle elle est encore très appétente. Quand cette dernière atteindra 3 cm, il est par contre important de retirer les animaux pour privilégier une bonne repousse de l’herbe. Ils pourront y revenir au bout de vingt à trente jours au printemps et trente à cinquante jours durant l’été, selon la pluviométrie. Enfin, sans fertilisation, il est conseillé de disposer au printemps d’une surface de quarante à cinquante ares par équidé adulte, soit 4.000 à 5.000 m².
Quand la parcelle constitue principalement une aire d’exercice et que l’herbe n’est qu’un complément alimentaire, beaucoup d’éleveurs décident d’utiliser un mode de pâturage plus simple comme le pâturage continu. Ils laissent alors constamment des animaux sur leurs parcelles.
Cependant, même s’il est plus pratique, ce type de pâturage apporte généralement une pression de pâturage inadaptée (surpâturage dans les paddocks, sous-pâturage dans les grandes parcelles). Il faudra donc prévoir de faucher les parcelles sous-pâturées au moins une fois par an, voire plus si l’on veut éviter la dissémination de mauvaises graines. De plus, sans fertilisation, il est conseillé d’utiliser des surfaces un peu plus importantes, soit cinquante à soixante ares par équidé adulte.
Utiliser des bovins
Que ce soit en alternance ou simultanément avec les ânes ou les chevaux, l’utilisation de bovins a également un impact très positif sur les parcelles de ces équidés.
Grâce à leur comportement alimentaire assez différent, les bovins effectuent un pâturage complémentaire de celui des ânes. D’une part, ils sont moins sélectifs que ces derniers et pâturent moins ras qu’eux (ils n’iront pas pâturer les zones déjà pâturées par les équidés et iront donc pâturer d’autres zones qu’eux, ce qui évite d’avoir à faucher trop souvent). D’autre part, contrairement aux ânes et chevaux qui concentrent essentiellement leurs crottins dans les refus, les bovins répartissent mieux leurs bouses sur la parcelle, ce qui permet un apport fertilisant plus régulier.
Néanmoins, pour que le pâturage mixte soit bénéfique à la parcelle, il faut que les bovins représentent au moins 20% du chargement.
Adapter ses pratiques au rythme de la parcelle
Selon les saisons, la parcelle n’évolue pas de la même façon et en restant attentif au rythme de la végétation, on pourra limiter sa dégradation.
Au printemps, l’herbe se développe très vite et il est important de contenir cette pousse rapide avec une mise à l’herbe précoce des animaux. Il faut alors utiliser en priorité les prairies les plus productives, car elles se détérioreront vite par la suite. Les parcelles de qualités plus médiocres pourront être réservées pour un pâturage d’été ou d’hiver, le mieux étant d’y effectuer un “déprimage” au début du printemps. Cette première coupe assez superficielle, effectuée mécaniquement ou parfois par des bovins, favorisera la pousse ultérieure de l’herbe.
L’été, quel que soit le mode de pâturage utilisé, la pousse de l’herbe est presque nulle et il faut penser à toujours augmenter la surface disponible ou à réduire le nombre d’animaux de 30 à 50% selon la sécheresse.
L’hiver, la portance du sol étant limitée, il faut veiller à ce que les animaux ne dégradent pas trop les parcelles. En effet, s’ils mettent trop de sol à nu, ils favoriseront alors le développement de plantes rampantes (renoncule rampante, agrostide stolonifère et tenu…) et de plantes à germination rapide (rumex, chardon… qui constitueront une base pour le développement de refus l’année suivante.
Enfin, dernier point, il est important de laisser chaque parcelle au repos au moins deux mois par an. Après un pâturage ras ou la fauche des refus, ce temps de latence permet à la végétation de reconstituer ses réserves. L’hiver est une bonne saison pour effectuer cette “pause”, car on évite ainsi la dégradation des parcelles peu portantes.
Ruser avec le terrain
En plus de ses goûts difficiles, l’équidé choisit aussi ses zones pâturées selon sa “morphologie”. Dégagée, abritée, en hauteur, les équidés ont des critères de sélection de la pâture bien précis et il vaut mieux ruser si l’on veut s’y opposer !
Ainsi, face à un terrain en pente, l’équidé préfèrera ne pas aller dans le bas de la parcelle, surtout si la zone est encaissée ou embroussaillée. Il vaut mieux donc découper les parcelles perpendiculairement à la pente pour pousser l’équidé à parcourir tout le terrain.
De plus, si les ânes ou les chevaux s’entêtent à négliger certaines zones de la parcelle, y placer les abreuvoirs ou les mangeoires permet de les y attirer. En chemin, ils mangeront de l’herbe et même si quelques mètres carrés sont très marqués autour des équipements, cela sera toujours préférable à la perte de larges surfaces jamais pâturées.
Les petits coups de pouce
Souvent, l’application de ces “bonnes pratiques”, bien que largement profitable, n’est pas suffisante et la prairie doit subir quelques traitements particuliers. Même naturelles, les prairies pâturées s’épuisent et ont besoin d’être suivies et entretenues pour rester en état. Voici quelques exemples de techniques pour obtenir de bons résultats.
Le surpâturage d’été ou d’hiver
Bien que normalement déconseillé, le surpâturage peut avoir un effet positif sur certains refus récalcitrants. Ainsi, durant l’été ou l’hiver, quand l’herbe ne pousse plus, on peut forcer certains ânes et chevaux (ceux à plus faibles besoins) à “gratter les parcelles”. Ils consommeront alors les refus qu’ils ont négligés quand l’herbe poussait à volonté.
La fauche
Quand les parcelles utilisées sont trop grandes, le développement de refus est inévitable. Il faut alors faucher et retirer de la parcelle les refus coupés au moins une fois par an, après le passage des animaux. Cela permet de re-homogénéiser la parcelle et les repousses des refus, quoique toujours vigoureuses, seront plus volontiers consommées.
Quand les refus sont abondants, le fauchage est plus intéressant que le broyage. Il préserve en effet l’appétence de la parcelle et ralentit la modification de la flore. A contrario, après un broyage, les herbes laissées sur la parcelle, forme une litière qui, si les refus sont trop ligneux, va avoir du mal à se dégrader. Le sol étant étouffé par cette litière, ses micro-organismes y seront affaiblis et leur rôle dans la dégradation encore moins efficace. La litière s’accumulera, étouffant de plus en plus le sol… Ce cercle vicieux va le plus souvent à l’encontre du bon développement des graminées pour favoriser les broussailles et une végétation trop dure pour être consommée. Il vaut mieux donc prendre le temps d’un bon fauchage !
Le hersage
Après le passage des animaux, le hersage peut aussi être un moyen d’aider à la remise en état de quelques parcelles abîmées. Il aère et décompacte le sol tassé par le piétinement des équidés et aide ainsi à la relance de la végétation. De plus, il nivelle le sol, arrache les mousses ou la litière de plantes mortes et élimine les taupinières.
Pourtant, le hersage peut se révéler néfaste et doit être utilisé à bon escient. Il ne doit être appliqué que sur les sols réchauffés et ressuyés, avant que les bonnes plantes n’aient commencé leur végétation. Réalisé sur une prairie dont la flore est équilibrée et pauvre en adventices, il risque de blesser les espèces intéressantes et de favoriser indirectement les plantes indésirables. De plus, il n’est pas à recommander dans les parcelles fréquentées par des animaux peu ou mal vermifugés, car la dissémination des crottins provoque un risque assez fort de dispersion des parasites.
Quand le mal est fait…
Parfois, les parcelles semblent tellement détériorées qu’un vrai programme de rénovation s’impose, mais la rénovation des sols est un art très difficile et particulièrement coûteux. En cas de détérioration importante, quelques techniques peuvent néanmoins corriger la qualité du couvert végétal. Mais, attention, elles s’avéreront inutiles si elles ne sont pas accompagnées d’une révision des pratiques qui ont amené la parcelle à un tel résultat ! (sur ou sous-pâturage, piétinement, fauche ou mise à l’herbe trop tardive, repos insuffisant des parcelles…).
Le roulage
Les prairies pâturées convenablement n’ont normalement pas besoin d’être roulées, car les pieds des animaux assurent un tassement suffisant. Malgré cela, à la sortie de l’hiver, suite au dégel ou au passage des animaux, certaines parcelles sont particulièrement marquées et le roulage peut permettre de niveler la prairie en donnant au sol une structure optimale au développement des micro-organismes. De plus, il peut se révéler efficace dans la lutte contre certaines adventices ou larves gênantes en les écrasant.
Cependant, il faut veiller à tasser sans excès et à toujours éviter de le faire sur un sol humide ou froid. Le poids du rouleau doit être adapté à la nature et à la résistance du terrain.
Le désherbage
L’invasion de mauvaises herbes dans une parcelle a de nombreux effets négatifs : concurrence et diminution du potentiel de production, diminution de la valeur alimentaire, réservoir et dissémination importante de graines dans les milieux environnants et bien sûr accroissement des zones refus. Quand la parcelle infestée, un traitement herbicide peut s’avérer nécessaire en respectant certaines règles.
Il faut choisir un herbicide en fonction des mauvaises herbes à combattre, mais aussi de la flore de la pâture si l’on veut la préserver. Le traitement doit se faire sur une prairie peu développée, au printemps ou en fin d’été par temps poussant (sans pluie avec une température journalière entre 10 et 20 °C). Dans ces bonnes conditions, les plantes herbagères se réapproprient plus vite les vides laissés par les mauvaises herbes. Enfin, il faut respecter les délais prescrits (10 à 20 jours) avant de réintroduire des animaux.
Il est possible que le traitement doive être répété plusieurs fois pour être efficace, car de nombreuses mauvaises herbes sont des vivaces. Les rumex, appelés parfois “l’oseille”, ou les “doches” ou “dogues” nécessiteront ainsi deux traitements consécutifs : le premier à la fin de l’été et le second au printemps suivant.
Le sursemis et re-semis total
Quand de nombreux ronds de terre nue (de la taille d’une assiette) parsèment la parcelle ou que le sol est particulièrement dénudé aux niveaux des entrées ou des mangeoires, un sursemis peut être envisagé pour améliorer le couvert végétal et empêcher l’invasion de ces zones par des mauvaises herbes.
Si les graminées représentent moins de 30% du couvert végétal et que la parcelle est particulièrement abîmée ou envahie de plantes indésirables, il faut même envisager un re-semis total.
Après un surpâturage d’été et un travail superficiel du sol, les semis d’automne sont les plus sûrs. Semer au printemps est également possible, mais le semis sera en compétition avec les autres plantes. De plus, les risques de sécheresse pourront perturber la levée des graines.
Pour le semis, il n’existe pas de mélange type. Les plantes les plus recherchées sont celles gazonnantes et résistantes au piétinement avec une épiaison tardive, mais tout dépend du mode d’utilisation de la parcelle, du chargement, des conditions pédoclimatiques… Si les qualités du ray-gras anglais sont largement reconnues, on l’utilise souvent en association avec une fétuque plus rustique et un trèfle blanc qui, résistant à la chaleur, tamponnera le vieillissement estival des graminées et fixera l’azote. La fléole, le dactyle ou le pâturin des prés peuvent aussi diversifier le mélange.
En conclusion
La gestion des pâtures des équidés n’est pas vraiment complexe, mais elle demande du temps et une bonne connaissance des prairies. Une fois leur rythme respecté par des pratiques adaptées et un entretien régulier. Ces dernières pourront fournir une herbe de qualité que l’on pourra enfin intégrer dans le calcul des rations, en sachant que sa valeur nutritive se limite aux périodes de pousse, au printemps et à l’automne.