Depuis la semaine dernière, "Bretagne Vivante" réalise des travaux dans le marais de Rosconnec, en Dinéault, afin d'accueillir une partie de son cheptel. Pour faciliter la tâche, les techniciens ont recours à la traction asine, avec Noïlig et Kannel.

Au cœur des marais de Rosconnec, dans l'estuaire de l'Aulne maritime, le temps est quelque peu suspendu. Le vent qui souffle dans les roseaux rompt à peine la quiétude des lieux, pas plus que les pas de Noïlig et Kannel. Les ânesses, respectivement âgées de 14 et 13 ans, sont chargées de traîner du bois pour l'exécution du chantier que mène Bretagne Vivante. La société est propriétaire et gestionnaire de 55 ha d'anciennes prairies. Pour la deuxième année, elle a prévu de faire hiverner une partie de son cheptel dans ces prés salés."Les bêtes y trouvent largement de quoi manger et cela permet d'entretenir la végétation composée de chiendent maritime, fétuque, joncs, roseaux, etc.", indique Pierre Le Floc'h, technicien d'environnement.

Protéger les digues
Mais avant leur arrivée, il faut clôturer des paddocks. Le marais est entaillé d'anciens fossés de drainage perpendiculaires à l'Aulne. "Des digues ont été créées à chaque extrémité, afin de régler l'inondation des prés et d'essayer de ralentir la dynamique du roseau, très envahissant. Le passage des bêtes sur ces digues, conjugué aux grandes marées, a tendance à les éroder, c'est pourquoi on les ferme". Lorsque le marais sera sous les eaux, le cheptel empruntera un autre chemin pour gagner les prés situés au-dessus. Reste que pour travailler dans cette zone humide, l'emploi d'engins est inimaginable. Pierre Le Floc'h a donc mis ses ânes au service de la cause.

Dociles mais prudentes
Une première pour Noïlig et Kanell qui devaient être épaulées par Serpette. Mais la jument de Bernard Jézéquel n'a rien voulu savoir... "Elle est pourtant régulièrement attelée ! C'est la première fois qu'elle rencontrait des ânes, elle était impossible". Du coup, c'est double dose pour ses camarades. Les ânesses vont d'abord chercher les piquets de chêne dans les bois d'à côté. Point de carriole ici pour le transport, mais une planche de snowboard bricolée par Pierre Le Floc'h. De quoi assurer une bonne glisse jusqu'aux différents points du marais où les techniciens dressent des clôtures. Noïlig, droit d'ânesse oblige, ouvre la voie à sa soeur Kanell. "Elles ont très vite compris le manège", observe Pierre Le Floc'h."Ce matin, troisième jour de chantier, je n'ai pas eu à les guider, elles sont parties toutes seules vers le bois". Bernard Jézéquel, qui n'avait jamais travaillé avec des ânes, les trouve également dociles. "La différence par rapport au cheval, c'est que l'âne ne nous fait qu'à moitié confiance ! Avant de faire quelque chose, il s'assure qu'il n'y a pas danger".

Au pas de l'animal
Chemin faisant dans les prés, effectivement, Kanell n'hésite pas à dévier sa route pour éviter au maximum de mettre ses sabots dans l'eau. "Les ânes n'aiment pas les terrains mous", confirme le propriétaire. Les animaux progressent à leur rythme, autant dire un déplacement doux ponctué de nombreuses pauses casse-croûte. Mais l'air de rien, elles tirent chacune 70 kg à chaque trajet et parcourent ainsi une bonne vingtaine de kilomètres par jour. Fin novembre ou début décembre, neuf poneys et sept à huit bovins seront déplacés des landes du Cragou, au Cloître-Saint-Thégonnec. Le troupeau évoluera sur 1,2 ha et sera déplacé d'un paddock à l'autre régulièrement. Ce qui ne devrait pas poser de difficulté si l'on se fie au dicton : "Changement de pâturage réjouit les veaux !".