La légende
L’akhal-téké, un athlète en robe de soie
L’akhal-téké est une légende vivante. Après avoir connu une longue histoire faite de gloire et de souffrances, il a aujourd’hui les pieds bien plantés dans le XXIe siècle, et la tête tournée vers un futur fait, enfin, de reconnaissance.
On trouve les traces de l’akhal-téké voici 5000 ans, dans une région située entre la mer d’Artal (au nord), l’Altaï et le Kopet Dag (au sud). Ces territoires se situent à une altitude qui varie entre moins 28 mètres aux bords de la Caspienne et 340 mètres vers l’est. Le climat dans ces contrées est très rude. Il s’agit d’une région sismique instable, parfois secouée par de violents tremblements de terre.
Dans les montagnes de l’Altaï, les archéologues ont mis à jour des tombeaux, datant de l’époque des Scythes, dans lesquels étaient conservés, parés de riches ornements, des chevaux ayant déjà la morphologie du cheval actuel. Alors que tous les autres ancêtres du cheval, à cette époque, ressemblaient plutôt au tarpan, d’un type plus primitif.
Les Scythes ont donc été parmi les premiers à domestiquer et surtout à utiliser le cheval. L’ancêtre de l’akhal-téké, fin et rapide, était sans doute la monture des terribles femmes guerrières de cette tribu, les premières amazones…
Il est bien sûr difficile, comme c’est souvent le cas en matière d’origine des races équines, d’avoir une certitude. Les scientifiques n’ont pas d’avis totalement arrêté, mais l’akhal-téké actuel descend vraisemblablement de ce cheval appelé Turan.
Il a continué à évoluer en Asie Centrale, au gré des modifications climatiques mais en restant dans les mêmes zones géographiques. Cet habitat particulier et isolé a participé à la préservation la pureté de la race. Toutefois, il est certain que des différences sont apparues entre les chevaux vivant dans des plaines verdoyantes et ceux qui parcouraient les steppes ou les montagnes. L’akhal-téké provient du type d’animaux qui vivaient dans les steppes.
Un cheval modelé par son biotope
La branche qui évolua dans les steppes a dû affronter des climats extrêmes, où la nourriture était difficile à trouver. Des températures de 55° en été étaient habituelles, et l’hiver, les mers gelaient. Le résultat en fut donc un cheval solide, rapide, sobre et terriblement endurant.
Cette évolution se fit dans ce qui est le Turkménistan actuel, autour de la ville d’Ashkabad, qui possède d’ailleurs un haras renommé, au cœur du berceau de la race.
Dans ces régions, 2 types de populations cohabitaient non sans difficulté : les sédentaires, d’une part, agriculteurs de la plaine fertile, qui cultivaient les terres et en vivaient, et les nomades, les fils du vent, se déplaçant au gré des besoins et des envies et qui vivaient sous la yourte.
La yourte ressemble à une immense cage ronde recouverte de feutres en laine de mouton et de chameau, dont le montage et le démontage étaient dévolus aux femmes.
Ces nomades, pour subsister, pillaient les tribus sédentaires. Ils ne laissaient derrière eux que sang et ruines. C’étaient entre autres les terribles Tékés, l’une des tribus locales, la plus redoutée pour ses pillages et sa férocité. Les Tékés se réfugiaient si besoin dans leur pays de steppes, dont ils ne craignaient pas le difficile climat, d’autant plus redoutable que l’on se déplaçait vers l’est.
L'histoire
Chevaux de pillards
Un pillage, ou "alamane" était annoncé aux guerriers un mois à l’avance. C’était le temps nécessaire pour préparer les chevaux à supporter le difficile exercice auquel ils allaient être soumis. Pendant la nuit, ils traversaient le désert, le plus vite possible, en silence, pour fondre sur les villages au petit jour, piller, tuer, voler, et repartir au grand galop à travers le désert, avec à leurs trousses, des survivants avides de revanche. Leurs chevaux devaient donc avoir conservé une certaine fraîcheur.
Les "tékés", véritables bandits de grands chemins, n’avaient d’ailleurs que deux occupations : piller et s’occuper de leurs chevaux : ce qu’ils faisaient à la perfection !
Une éducation à la dure
Plus près de nous, le Turkmène à un attachement viscéral à son cheval et s’en occuper dès le sevrage qui est déjà tout un rituel : on emmène la mère et le poulain dans le désert. Ce dernier, épuisé et incapable de suivre sa mère, accepte la séparation avec résignation.
Dans toutes les attitudes de ce peuple envers les chevaux, il existe une dimension symbolique très éloignée de notre mentalité occidentale.
Vers 1 an, on commence à couvrir le poulain de feutres. A la fois pour le protéger, l’endurcir et le parer.
Vers 2 ans, il sera monté pour la première fois.
Puis toute sa vie, il restera couvert de feutres, attaché à la yourte (pour l’étalon) et dépendra de l’homme pour l’eau et la nourriture. Un grand voyageur, Henri MOSER raconte (1855) : "l’entraînement des coursiers est parfaitement entendu. Tout en développant l’action, ils arrivent à réduire la nourriture et surtout l’eau, à un minimum incroyable : paille hachée, orge et graisse crue de mouton". Les blessures reçoivent des traitements empiriques mais efficaces : pour une blessure au garrot, on appliquait, durant la nuit une pâte de crottins délayés avec de l’eau chaude. Le matin, on nettoyait et l’on recouvrait avec du feutre carbonisé.
Les chevaux ne sont jamais sélectionnés pour leur beauté, mais uniquement sur leur courage et leur vitesse.
L’étalon doit être courageux, voire téméraire, capable d’initiative lors des razzias. De lui dépendait la vie ou la mort de son cavalier. Le cheval vainqueur était paré de lourds colliers en argent et pierres semi précieuses. C’est ainsi que l’on reconnaissait au marché le meilleur étalon pour saillir les juments. Aujourd’hui, ces lourds colliers sont remplacés par de fines cordelettes en poil de chameau, qui ornent l’encolure : c’est "l’aladja" moderne.
La réputation extraordinaire de ce destrier a rapidement franchi les frontières, et attiré les envies de toutes les tribus environnantes, jusqu’aux pays situés aux confins de la route de la soie.
Les chinois se sont emparés de spécimens, et sous la dynastie des Hans, on parle de chevaux tellement beaux et rapides, qu’on les appelle "chevaux célestes". On dit qu’ils ont la peau si fine, qu’ils suent sang et eau.
Les arabes, qui selon Hérodote, ne possédaient, jusque vers le VIe siècle, que des chameaux, volèrent dit-on des étalons pour saillir quelques petites juments locales, très souvent de couleur baie.
Et c’est d’ailleurs l’akhal-téké qui a introduit chez ces quelques chevaux les robes de couleur claire qui n’existaient pas, apportant son sang précieux à la construction de la race arabe. C’est ainsi indirectement que du sang akhal-téké a façonné le pur-sang. Dans de nombreuses autres races coule aussi le noble sang des fils du soleil et du vent. (pur-sang anglais, trakhener, trotteur orlov, morgan…).
Une histoire récente et ténébreuse
Avant d’arriver à nous, ces magnifiques chevaux ont failli disparaître plusieurs fois, à cause des hommes et de leur politique, qui avaient décidé de leur extinction, mais aussi à cause des forces de la nature qui détruisirent, lors de tremblements de terre terribles, la ville d’Ashkabad, en 1924 et 1948, le berceau de la race. Les chevaux employés dans l'armée qui avaient survécu à la Seconde Guerre mondiale périront ainsi.
C'est grâce à un homme, Chamborant (officier russe, né à Moscou et descendant d'une lignée d'aristocrates français) qu'il a été sauvé de l'extinction...
Et n'oublions pas le courage et les initiatives de passionnés, qui font que l‘akhal-téké est encore parmi nous.
Les aptitudes
Un cheval de sport hors du commun
La sélection ancestrale a conduit à l’obtention d’un athlète doté d’une extrême intelligence. C’est assez normal car ce cheval a eu la possibilité de développer tout son potentiel, du fait de sa vie partagée avec l’homme. Le Turkmène prenait en charge le poulain, lui faisait subir diverses initiations, le gardait près de lui, attaché à la yourte, partageait à la main sa pitance, l’entraînait au travail et à la guerre. Il vivait et mourait avec son cheval. On dit qu’un Turkmène à deux ailes : son Dhôtar (sorte de guitare) et son cheval…
Cette longue histoire, ici résumée, explique les nombreuses qualités de l’akhal-téké d’aujourd’hui. Ce cheval fait partie du patrimoine génétique équin mondial. Il n’existe pas de race d’évolution si ancienne : il est à l’origine de la création du Trakhener, du pur-sang anglais, du pur-sang arabe. Des études génétiques récentes l’ont prouvé, même si les modalités qui ont présidé à la dispersion du sang akhal-téké restent encore obscures.
Des aptitudes multiples
En C.S.O. et complet, c’est un bon sauteur, agile, adroit, léger, avec de l’influx, de bons réflexes et beaucoup de courage. Son action est puissante et longue.
En dressage, on lui reprochera ce qu’il n’a pas mais qui est à la mode : des allures bondissantes, alors qu’il se plie avec joie, art et élégance à un dressage demandé avec tact.
En endurance, il est naturellement doué, mais retenons ce qu’il en est dit : "Le cheval est un athlète naturel et cela s’applique encore plus à cette race qui ne nécessite qu’un entraînement relatif et bien pensé".
L'akhal-téké est aussi utilisé dans les disciplines suivantes : loisirs, galop, polo, trec, horse-ball...
Des performances probantes
Malgré le petit nombre d’akhal-téké de race pure au monde (environ 2500 chevaux en 2002), on peut retenir des performances intéressantes :
ABSINTHE fut 3 fois médaillé olympique en dressage et désigné "comme cheval du siècle".
MELEPEL, petit cheval de 1m46, a sauté 8m75 en longueur.
OSMAN a terminé une course de 90 km en endurance, un jour de canicule dans le trio de tête, avec une récupération à 41 juste après avoir dessellé.
Les robes
Des robes variées
Toutes les robes sont admises (sauf pie) et la variété des tons est infinie, du plus clair, crémolo au noir bleuté.
La variété est telle qu’il est parfois difficile de nommer une couleur et d’ailleurs, certaines n’existent que dans cette race. Les robes baies et noires dominent, mais les bais, par exemple sont tellement variés, qu’à eux seuls, ils forment déjà un panel étendu. Les couleurs "crème", qui ne sont en aucune sorte une dégénérescence, brillent de reflets or ou argent.
Quand un poulain venait au monde, sa robe était comme un cadeau (les chevaux des princes et des rois, dans toutes les civilisations n’ont-ils pas toujours été blanc, ou crème ?) Ses yeux bleus étaient considérés comme porte-bonheur, car ils devaient chasser le mauvais œil. On retrouve d’ailleurs, dans les civilisations "islamiques" ou proches, un talisman qui est un œil bleu, que l’on accroche à l’entrée de la demeure afin de chasser l’esprit du mal. Le poil est tellement fin et doux qu’on a coutume de le comparer à de la soie. Le reflet métallique rend plus perceptible cette texture douce et brillante. Et détail pratique, un cheval au pré, couvert de boue, même crémolo, se nettoie très facile en raison de la texture du poil : un coup de bouchon (brosse pour équin), la terre tombe facilement, sans avoir laissé de trace !
Le stud-book
Morphologie et caractère
L’akhal-téké est un cheval de taille moyenne (1m50-1m60 pour un poids de 600 kg à 900 kg), longiligne à l’extrême, sans pour autant de faiblesse, expressif, avec un port d’encolure très relevé, une croupe plutôt descendante, et avec beaucoup d’air sous le ventre. Ses jambes sont sèches et ses sabots petits et durs. Sa musculature est à fleur de peau. Il est doté d’un grand influx nerveux. Malheureusement, la mauvaise et fausse réputation de cheval "têtu et rebelle" qui lui colle à la peau, fait que peu de cavaliers osent l’essayer. Mais pourquoi un cheval ayant de tels défauts aurait-il été sélectionné pour la guerre, alors que la vie de son cavalier dépendait de lui ? Et pourquoi aurait-il été tant convoité, par les plus grands, depuis des siècles ? En effet, il est docile, soumis à son maître, doux, attentif et sensible. Il apprend très vite. Mais il est fier et ne supporte pas l’injustice et la brutalité (notamment l’étalon).
L’akhal-téké se déplace comme un serpent, disent les Turkmènes : avec aisance, souplesse et rapidité. Il a une grande classe de galop.
Sa ligne de dos ne bouge pas, ses allures sont rasantes et économiques. Il est très confortable. Courageux, endurant et habile, c’est un cheval d’exception et à cheval d'exception... prix d'exception !
Le stud-book russe
Le livret signalétique russe met bien en évidence la morphologie particulière de l’akhal-téké. On notera sur ce livret le port de l’encolure, la forme de la tête, l’aspect du front de face et l’écartement des membres.
Vers 1930, les russes s’intéressent à cette race fabuleuse qui leur appartient par "colonisation" interposé. En effet, le Turkménistan fait partie de l’ancienne U.R.S.S.
Disposant de moyens (financiers, matériels et politiques), les Russes se lancent dans un grand recensement des chevaux pouvant appartenir à cette race. Jusqu’alors, on ne dispose que de peu d’archives, rien n’est réellement officiel. Ils créent ainsi le premier stud-book, et mettent en avant des étalons qui vont marquer leur descendance : ce sont les fameuses créatrices de race.
Dans les années 1970, l’institut Russe du Cheval prend en main la sélection de la race, déshéritant les Turkmènes de la gestion des animaux qu’ils considèrent pourtant comme un patrimoine national ; leur cheval.
La race va donc être élevée hors de son berceau.
Il est à noter que ces chevaux ont été largement utilisés par l’armée pendant le deuxième conflit mondial, ce qui a provoqué une destruction massive du cheptel, encore aggravée par le tremblement de terre de 1948.
De plus, la politique idéologique a failli aboutir à la disparition de la race de l’akhal-téké. En effet, Kroutchev, dans les années 1960, ordonne la destruction des chevaux sous prétexte d’une certaine idée du progrès. Mais la volonté est aussi de sédentariser un peuple, les Turkmènes qui, par leur mode de vie défient la ligne officielle du parti : ce sont des hommes libres, qui franchissent les frontières artificielles, érigées par les gouvernements, au gré de leur nécessités de déplacement, pour tout simplement vivre comme leurs ancêtres. Leur surnom est d’ailleurs "hommes du vent".
Les Turkmènes sont maintenant un peuple écartelé, vivant dans plusieurs pays, et principalement en Iran. Mais leur cœur et leurs traditions sont restés intacts, et surtout leur profond amour leur patrimoine, l’akhal-téké.
Les années 1970, ont été le témoin d’une certaine renaissance de la race en Union Soviétique après les coupes sombres de l’ère Kroutchev.
Le stud-book français
La dernière étape de la reconnaissance en France a été franchie par arrêtés ministériels du 30 juillet 2004, publiés au Journal Officiel (J.O.) les 3 et 22 septembre 2004.
Le Registre Français du Cheval Ahkal-Téké de Pur Sang est officiellement ouvert, son règlement est approuvé et l'association Akhal-Téké France reçoit l’agrément du ministère pour assurer, avec les Haras Nationaux, la gestion de la race en France.
Dorénavant tous les Akhal-Tékés de Pur Sang reconnus et stationnés en France peuvent exister, se reproduire et participer à toutes les compétitions officielles de la Fédération Française Equestre (FFE), selon les modalités générales de la réglementation et les dispositions du Registre.