En médecine humaine comme en médecine vétérinaire, la demande de produits de santé "naturels" ne cesse de croître. Parmi ceux-ci, les probiotiques ont le vent en poupe. Que croire et ne pas croire quant à leurs propriétés ?
Origine
Un des buts premiers de la mise au point des probiotiques était de diminuer l'utilisation d'antibiotiques. Il est vrai que ces derniers sont parfois utilisés à tort et à travers, ce mauvais usage étant à l'origine de l'émergence de résistances bactériennes. Bref, quand on peut s'en passer, évitons d'utiliser les anti-infectieux à tout propos. En ce domaine, les probiotiques sont une alternative, mais nous verrons que bien du travail reste encore à accomplir en la matière. Le concept de probiotique est né en 1907 : un scientifique, Elie Metchnikoff, postule que la longévité de certaines populations est liée à l'absorption de produits laitiers fermentés qui aurait pour propriété de maintenir un équilibre adéquat entre les flores digestives pathogènes et bénéfiques. Le terme de probiotique, par opposition à antibiotique, a été inventé en 1965.
Cahier des charges
Pour que ces préparations soient efficaces, le préalable est qu'elles puissent atteindre leur site d'action, c'est-à-dire l'intestin, et ceci en nombre suffisant. Dès lors, elles doivent être capables de séjourner dans le milieu très acide de l'estomac et de résister à l'action de la bile. Enfin, pour mériter le terme de probiotique, certains effets doivent être prouvés : capacité d'adhérer à l'épithélium intestinal, produire des substances néfastes à la flore pathogène, inhiber la croissance de ces germes. D'autres propriétés sont désirables : inactivation des procarcinogènes (substances induisant les cancers), immunomodulation, etc. Certains auteurs pensent que les probiotiques doivent contenir des bactéries spécifiques de l'espèce cible, mais des effets bénéfiques ont été obtenus avec des bactéries hétérologues (produits laitiers par exemple).
Enfin, le cahier des charges inclut l'absence d'effets indésirables, une résistance aux conditions de stockage.
Scepticisme et réalités
Au pays de Descartes, les sceptiques sont nombreux : il est vrai qu'on ne comprend pas totalement le mode d'action des probiotiques. Il apparaît cependant évident qu'une des manières d'agir est l'inhibition de la croissance des bactéries pathogènes. D'autres sont possibles mais restent à étudier : production de substances antimicrobiennes, inhibition de l'adhésion des bactéries pathogènes, stimulation de l'immunité, inhibition de l'absorption intestinale des antigènes. La plupart des probiotiques du commerce contiennent des ferments lactiques, en particulier des bactéries des genres Lactobacillus, Bifidobacterium, parfois Streptococcus. Des levures du genre Saccharomyces sont également employées.
Paradoxe, ces produits ne présentant apparemment pas de danger, ils ne sont pas toujours bien évalués scientifiquement. Le seul danger, très hypothétique, serait que ces germes transmettent des facteurs de résistance à des bactéries virulentes.
Les probiotiques en médecine humaine
La plupart des probiotiques utilisés chez l'homme contiennent des bactéries de genres divers, tant et si bien qu'il est parfois difficile d'attribuer les effets obtenus à l'une ou l'autre d'entre elles. Les microorganismes les plus fréquemment employées sont Lactobacillus, en particulier Lactobacillus rhamnosus, Enterococcus ou encore Saccharomyces. C'est sans doute Lactobacillus qui a été la plus étudiée. Elle a des propriétés préventives de certaines diarrhées de l'adulte et de l'enfant, de la "tourista", et des diarrhées associées à l'usage d'antibiotiques.
Chez l'équidé
Les études scientifiques sont rares chez l'équidé. Il faut savoir avant tout que si l'on compte bénéficier d'un effet de ces produits, la dose de microorganismes est cruciale. Il faut également qu'ils demeurent viables dans la préparation. Les probiotiques ne sont pas des produits miracle et il ne faut pas en attendre d'effets thérapeutiques marqués. Pour autant, et même si des études plus poussées sont nécessaires, la plupart des auteurs s'accordent à conseiller l'usage des probiotiques dans les cas suivants :
- Chevaux âgés (plus de 18 ans).
- Chevaux manquant d'appétit.
- "Crottins bouseux".
- Diarrhée chronique.
- Présence d'aliments non digérés dans les crottins.
- Coliques récidivantes.
- Stress (transport, soins dentaires ou vétérinaires).
- Traitements récents par vermifuges ou antibiotiques.
- Modifications de l'alimentation ou de l'environnement.
- Foals.
- Conditions climatiques extrêmes.
L'usage des probiotiques semble plus particulièrement couronné de succès dans les diarrhées post-traitement antibiotique, dans les diarrhées dues à des germes appelés Clostridium. Si, comme cela est supposé chez l'homme, les probiotiques sont capables de limiter le passage des antigènes au travers de la paroi intestinale, on peut les proposer comme un complément de traitement des allergies alimentaires.
Il reste donc des recherches à mener pour mieux comprendre l'action de ces substances qui, a priori, et sauf exception ne semblent pas présenter de pouvoirs pathogènes.
Pas avant 24 heures !
Le foal naît naïf en matière de protection immunitaire. Il a 24 heures pour absorber le colostrum ou premier lait de sa mère qui va lui amener des anticorps qui le protègent au cours de ses premiers mois de vie : après cette période, les anticorps ne passent plus la barrière intestinale. On conseille de ne pas donner de probiotiques avant la prise du colostrum car il se pourrait qu'ils s’opposent au passage des anticorps maternels.
Sources : Scott Weese(J), a review of probiotics: are they really "functionnal foods?"
AAEP Proceedings, 47, 2731, 2001 ~ Revue "Cheval Santé" n°25.