Aujourd'hui des passionnés défendent cet hybride... La production mulassière était autrefois l'orgueil de la France. Nos mules et mulets s'exportaient dans le monde entier. Mais comme les chevaux de trait, les mules n'ont pas résisté à la bourrasque de la motorisation du monde rural. Aujourd'hui, quelques passionnés défendent ardemment l'hybride.
Pas nulles les mules
La mule (ou mulet pour le mâle) est le produit du croisement d'un baudet (étalon âne) et d'une jument. Il ne faut donc pas confondre la mule avec le bardot (croisement entre une ânesse et un étalon). Bien que mule et bardot aient tous deux des géniteurs ânes et chevaux, les deux hybrides sont assez différents l'un de l'autre, tant au niveau du physique que du tempérament. Et mules et mulets ont depuis toujours été considérés comme un croisement de bien meilleure qualité que les bardots. Les mules peuvent atteindre des tailles supérieures au bardot (elles dépassent parfois même leurs propres géniteurs). Elles sont proportionnellement plus fortes qu'un cheval. De même, elles affichent une longévité bien supérieure (les trentenaires sont légion). Revers de la médaille, les mules sont considérées comme des équidés plutôt tardifs. Certains affirment que le mulet dispose d’une longévité de 45% supérieure à celle du cheval !
Tête de mule ?
Particulièrement robustes, les mules sont rarement boiteuses ou malades. Elles supportent formidablement bien les écarts de température et n'exigent qu'une nourriture frugale. Mais attention ! Frugalité ne veut pas dire qu'on peut les laisser à l'abandon sans nourriture ! Là encore, certains parlent de besoins inférieurs de 40% à ceux d'un cheval. Têtue et obstinée la mule ? Un peu, en effet… J'entends déjà les défenseurs de la mule pousser de hauts cris. Mais partant du vilain raisonnement qui veut "qu'il n'y ait pas de fumée sans feu", tentons de comprendre les raisons d'une si sombre renommée.
En fait, si la mule et le mulet présentent physiquement un parfait compromis entre l'âne et le cheval, on peut considérer que c'est aussi mentalement le cas. Elle a notamment puisé chez son géniteur asinien un incroyable instinct de survie et le désir de toujours comprendre les raisons de ce qu'on lui demande. Et il est parfois amusant de voir les incohérences de la pensée humaine, prompte à louer l'animal qui sauve son cavalier ou meneur d'un mauvais pas en évitant le drame par simple instinct de préservation et tout aussi prompte à condamner le même animal qui refuse obstinément de passer ici ou là, toujours poussé par le même instinct. Errare humanum est... Non asinum, serait-on tenté de rajouter !
Un mulet pour la selle
La mule a besoin de travailler dans la confiance et la douceur, ce que les anciens ont trop souvent oublié. Un cavalier achetant son premier mulet à un marchand éleveur lui explique qu’il souhaitait délaisser le pelham au profit d’un filet simple, l’éleveur le met en garde, le traitant de fou et d’inconscient, lui disant que c’était là un choix bien dangereux, que la mule l’embarquerait à la première occasion. Ce cavalier avoue lui-même que les débuts furent difficiles... du moins jusqu'à ce qu’il effectue plusieurs stages d’éthologie, où la méthode Parelli fit merveille sur l’animal.
Mule de sport ou mule de trait ?
Comme dans de nombreux élevages ancestraux (on pense notamment aux chevaux de trait), il semble qu'aujourd'hui deux visions s'affrontent dans le tout petit monde de la production mulassière. Il y a les traditionalistes, qui défendent une production de trait plutôt lourde et peu adaptée au marché du loisir (hormis l'attelage), et les réformistes, qui s'attachent à voir évoluer le standard vers des modèles plus légers, voire plus sport !
Bref, aujourd'hui, on trouve les deux types, même si la légèreté demeure plus rare que le volume, du moins en France. En effet, les races françaises "reconnues" ou clairement identifiées, comme la mule poitevine, la mule seynarde, la mule pyrénéenne ou la mule savoyarde, sont toutes produites avec des juments de trait (bretonnes ou comtoises généralement).
Si les mules françaises ont connu un incroyable succès du Xe siècle jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, force est de constater qu'aujourd'hui elles appartiennent au triste répertoire des espèces menacées... Signe qu'une production quasi exclusivement lourde ne correspond certainement ni aux besoins ni à l'air du temps.
Dans certains pays, les mules sont restées en revanche très populaires. Elles sont toujours utilisées dans des activités parfois fort surprenantes. Ainsi, il n'est pas rare de croiser des mules lancées au grand galop sur les hippodromes américains (les U.S.A. enregistrent aujourd'hui la plus forte population de mules et mulets). En Californie, l'engouement est tel que des paris sont pris sur les courses de mules depuis 1995. Selon la "Mule Racing Association", près de sept millions de dollars ont ainsi été joués sur 68 courses et seulement 7 réunions sur l'ensemble de la saison 2000, par exemple.
Mais sans aller si loin, il est déjà possible de participer avec vos mules ou mulets à des épreuves d'endurance.
Stérile ou non !
On dit que la nature est bien faite et qu'elle contrecarre les aberrations. Ainsi, les hybrides mules ou bardots sont stériles, alors que chez le mâle comme chez la femelle, les organes génitaux externes sont tout à fait normaux. Les raisons scientifiques sont un peu compliquées à expliquer ici succinctement mais cette incapacité à se reproduire reposerait sur un problème chromosomique. Néanmoins, on a enregistré divers cas de reproductions chez les mules.
Une soixantaine de naissances seulement a été observée de 1527 (premier cas officiellement répertorié) à l'horizon 2000 sur les cinq continents.
Les utilisateurs de chevaux et de mules reconnaissent que des deux, ce sont bien ces dernières qui sont les plus intelligentes.
Revue "Cheval Pratique" n° 138.