Estelle Mylle : fouette cocher
Cocher à la ville ou sur la route de Compostelle avec son mulet, Estelle est toujours guidée par la même passion.
Cocher, un nom de métier difficile à décliner au féminin, qu’Estelle Mylle exerce à Beauvais depuis septembre 2008. Un vrai bonheur pour cette fille d’agriculteur de 22 ans. Elle assure la collecte du verre trois fois par semaine dans la ville picarde. "Nipon, mon principal collègue de travail est adorable. On ne s’est jamais disputé. Avec ce trait du Nord, ancien étalon des haras de Compiègne, le plus important est la confiance réciproque, surtout en ville". Dès 6h30, elle le soigne et l’attèle à son hippomobile. A l’arrière de ce véhicule d’une tonne, un rippeur réalise le même travail que sur un camion poubelle. A chaque tournée, de quinze à vingt kilomètres dans les rues de la cité, il collecte entre 600 et 800 kg de verre. Cette expérimentation pilote perdurera si le coût de ramassage du verre est proche des collectes habituelles.
"Je suis embauchée par l’association "Equiterra" qui souhaite développer l’utilisation du cheval de trait dans les collectivités : débardage, animations avec des écoles, randonnées..." explique Estelle. Dès 14 ans, cette passionnée des équidés, éduque un âne (un âne ne se dresse pas !), son premier âne à l’attelage. "Avec une bonne dose de patience et de pédagogie, on obtient tout d’un âne". Elle complète l’attelage quelques années plus tard avec une ânesse Andalouse. En 2003, son père, atteint par le virus de sa fille, lui propose Bayard, un cheval de trait. Estelle le monte, puis l’attèle.
Des études à la randonnée avec un mulet
Côté études, elle opte pour un BTS technico-commercial plutôt qu’une formation équine. Un choix qu’elle ne regrette pas vu les difficultés de débouchés dans les métiers du cheval. Mais finalement la passion l’emporte. Le projet "Equiterra" à quelques kilomètres de la ferme familiale la décide. Elle qui a toujours rêvé de créer des activités avec des chevaux de trait. Estelle suit un certificat de spécialisation de traction animale avec des chevaux de trait à Montmorillon. Elle enchaîne avec une formation de professeur d’attelage à Conty dans la Somme.
A peine rentrée, elle part sur les chemins de Saint-Jacques de Compostelle avec Charlot, un mulet de deux ans. "Les mulets sont des animaux très robustes, courageux et super intelligents" s’enthousiasme-t-elle. Pendant deux mois, Estelle avait préparé Charlot : monter les escaliers de l’église, présenter ses pieds, supporter les voitures, rentrer dans les abri-bus.
Mais aussi porter le bât, passer sur les ponts ou traverser les rivières. Estelle part en camion avec Charlot jusqu’à Puy-en-Velay. Sa mère, agricultrice, marche à ses côtés la première semaine. Pendant 28 jours, Estelle parcourt 758 kilomètres. "Au début, je marchais entre 18 et 25 km par jour, puis avec l’entraînement entre 25 et 38 km". Estelle alterne la tente et les gîtes. Quant à Charlot, même s’il porte 30 kg sur son dos, il doit trouver tout seul sa nourriture. Au piquet sur 10 mètres, à lui de chercher son herbe. "C’est une expérience fabuleuse s’enflamme Estelle. Je suis arrivée jusqu’à Saint-Jean-Pied de Port dans les Pyrénées et j’ai promis à Charlot de l’emmener jusqu’à Saint-Jacques une autre fois".
Sur les chemins de Saint-Jacques de Compostelle
"Cette aventure demande une préparation physique. Entraînez-vous à marcher régulièrement. Choisissez de bonnes chaussures, testées avant le départ. Partez léger en limitant vos bagages au minimum. Et préparez-vous à des découvertes extraordinaires" conseille Estelle, prête à partager son expérience.